CICATRICES

Empreintes de viE

J’explore la mémoire corporelle à travers des représentations de cicatrices en grand format réalisées à l’acrylique sur toile. Chaque cicatrice, porte-parole silencieux d’une histoire unique, est le sujet central de mon travail, témoignant de la résilience humaine et de l’acceptation de soi.

July

“ Toi, spectateur de mes travers, avec ta nuance perverse. Je discerne ton dessein.Tu voudrais me réduire au silence, tu souhaiterais que je plonge dans l’abîme.Pourtant, désolée pour toi, j’ai choisi d’arborer la fierté. Fière de l’être que je suis aujourd’hui. Cette femme accomplie, qui danse, qui chante, qui vit. Pendant des années, je t’ai évité, fui, me suis cachée, pensant ne valoir rien, croyant que ce reflet m’appartenait, alors que tu le déformais insidieusement pour y semer chagrin et peine. Aujourd’hui, je te fixe droit dans les yeux sans peur, car je distingue mon regard empreint de bonheur. Je porte la tête haute, ne redoute plus mes fautes, scrutant jusqu’au moindre détail. J’ose imaginer chaque grain de beauté comme une constellation d’étoiles, d’une pureté irréfutable, tandis que mes cicatrices se révèlent comme des fleuves puissants, témoins de ma résilience. Je souhaite te confier que désormais, je t’accueille dans ma vie, aspirant à œuvrer en tandem, à avancer main dans la main, laissant derrière nous notre passé. J’ai foi en toi, j’ai foi en moi, j’ai foi en nous.

À toi, mon miroir, mon reflet, que j’aime un peu plus chaque jour.”

July

Comme tout le monde j’ai des cicatrices résultant de blessures liées à des histoires banales, d’autres moins, de blessures que je me suis infligées, des scarifications. Je me suis scarifiée l’année de mes 17 ans ; elles me soulageaient d’une douleur psychique trop importante, liée à des questions existentielles : « Qui suis-je? Pourquoi suis-je là? À quoi je sers? »
Comme un transfert de douleur, une libération du psyché, une soupape, je me sentais ainsi vivante. Je n’assumais pourtant pas. À la question récurrente « T’as quoi sur les bras ? », je mentais : « Ah ça? Ce sont des griffures de chat. » Aucune envie de parler du mal-être qui m’habitait ; j’ai marqué cette année-là sur ma peau de façon indélébile. Il y a quelques années, j’ai réfléchi à faire des tatouages pour les masquer, car je ne trouvais pas ça joli. En cheminant, j’ai décidé de ne pas y toucher, je me suis dit qu’elles faisaient partie de moi de mon histoire.
Quant à la notion d’esthétique, je me suis demandé après tout, pour qui ou pourquoi jugeons-nous négativement, et ce de façon quasi systématique, l’esthétique d’une cicatrice, puisque nous en avons tous?

« Eli ». Il marche tel un funambule sur le fil de la vie. Sa chair comme parchemin, témoin de son histoire. Il a écrit sur sa peau, sa géographie intérieure. Des traces comme un ancrage pour dire :  « Je suis là, tissé avec les mailles du monde”. 

Pour reproduire des cicatrices, il me fallait donc des modèles. J’aurais pu en récupérer sur internet, mais ça n’avait aucun sens pour moi. C’est ainsi que je me suis retrouvée un lundi, en cours de suivi de projet, poussée par Tangui , à rédiger une annonce d’appel à modèles. L’idée est de faire appel à des personnes que je ne côtoie pas, aller à la rencontre de l’autre et accueillir ce qu’il est prêt à me livrer, à transcender. J’endosse le rôle de photographe pour me mettre à distance de ma propre pudeur et de l’inconfort de cette posture. Ce qui est fabuleux, c’est qu’au final, tout se passe de manière fluide. En un laps de temps restreint, ces personnes se livrent sur une partie de leur histoire, parfois la douleur physique, parfois psychique, ce que cela a généré dans leur vie, leur chemin d’acceptation et leur pouvoir de résilience. Cette résilience qui les mène à partager ce projet avec moi. Le projet est ainsi lancé, m’obligeant à sortir de ma zone de confort et dépasser ma nature pudique en entrant dans l’intimité de personnes qui m’étaient alors inconnues. Je prends mon courage à deux mains et j’organise donc une ou plusieurs rencontres si besoin. Nous discutons de leur histoire, puis je prends moi-même les clichés de leur(s) cicatrice(s), encore un défi ! Ce projet me dépasse, il dépasse ma pratique, il est aussi une expérience sociale. Au-delà de mon amour pour la peinture et de l’envie de porter un message d’humanité et d’universalité, chacun met de soi avec authenticité. Cela me bouleverse à bien des égards, je me sens si privilégiée.